Beirut - Gallipoli

























2019
4AD
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La musique c'est encore ceux qui la font qui en parle le mieux, sachez juste que cet album figurera quoi qu'il arrive dans les meilleurs albums de l'année, sur ce je vous laisse avec les mots du compositeur et chanteur Zack Condon :

« Gallipoli a vu le jour dans mon esprit lorsque j’ai pu enfin récupérer un orgue Farfisa, qui avait fait le voyage de la maison de mes parents à Santa Fe jusqu’à New York. Cet orgue, je l’avais trouvé grâce à mon premier boulot dans un centre d’arts local, CCA. Un claviériste de cirque ambulant (ce n’est pas une blague) l’avait laissé dans l’entrepôt du CCA après que certaines touches et fonctions de l’orgue soient tombées en panne.
J’ai passé les trois années suivantes à écrire toutes les chansons que je pouvais extirper de cet instrument. Beaucoup de mon premier album (Gulag Orkestar, 2006) et pas mal de titres du second (The Flying Club Cup, 2007) ont entièrement été écrits sur ce Farfisa, qui vivait dans ma chambre d’enfant non loin du centre-ville de Santa Fe. J’ai demandé à mon père de m’aider à le transporter jusqu’à Brooklyn, puis à mon nouveau domicile à l’époque, dans un coin de Westchester, sur le Titicus reservoir. J’habitais dans la loge du gardien de la demeure d’un multimillionnaire purgeant actuellement une peine de 20 ans pour fraude fiscale et financière, entre autres méfaits. Au début de l’hiver 2016, j’ai entamé la composition de ce qui allait devenir Gallipoli sur l’orgue Farfisa.
Bientôt, les chansons ont commencé à prendre forme, l’inspiration était au rendez-vous et j'ai programmé une session de trois semaines dans un tout nouveau studio à Chelsea, le Relic Room. C’était les jours les plus froids de l’hiver. J’y ai invité Gabe Wax, le producteur de No No No, qui je partage la même vision artistique, et qui, lui aussi, aime pousser tous les sons jusqu'à leur point de rupture. Une fois les principaux instruments enregistrés, mes camarades Nick Petree (batterie), Paul Collins (basse) et moi-même avons retravaillé chaque note avec des amplificateurs cassés, des échos spatiaux, des systèmes de sonorisation et des vieux magnétophones. Nous avons parfois laissé un synthé tourner en boucle dans la salle d’enregistrement à un volume si fort que nous devions porter des écouteurs sur les oreilles lorsque nous rentrions dans la pièce pour effectuer des réglages. Je voulais que chaque grincement et chaque gémissement des instruments, chaque note désaccordée, chaque bourdonnement d’ampli et chaque dysfonctionnement technique restent incrustés dans les fentes des chansons. L’orgue Farfisa est également revenu en force, réparé par un ami du studio. Ben Lanz et Kyle Reznick nous ont rejoint pour une incroyable session de cuivres. Ben a contribué aux arrangements d’une chanson que j'avais écrite à partir d’un motif d’un synthé Eurorack modulaire apporté par Paul.
Pendant ce temps-là, ma vie personnelle était assez tumultueuse, et je me suis retrouvé à faire des allers retours entre New York et Berlin. J’ai vu mes amis, ma cousine Brody Condon, à qui j’ai demandé de l’aide pour la pochette du disque, j’ai assisté à des concerts incroyables et j’ai passé pas mal de temps dans les studios du groupe Mouse on Mars. À New York, je me sentais vidé par tous les récents bouleversements que j’avais subi et l’Europe ne cessait de me titiller depuis mon séjour à Paris, en 2008. C'est la ville qui apparaît le plus dans mes textes, sans doute parce qu’elle m’a laissé une forte impression la première fois que j’y suis allé, il y a une quinzaine d’années.
Au printemps 2017, j’ai répondu à l’appel du nouveau skate park construit quelques mois plus tôt juste en face de mon appartement à Brooklyn. Après quelques jours passés au parc à me familiariser de nouveau avec la planche, j'ai raté un simple trick et suis tombé, me cassant le bras gauche pour la quatrième ou la cinquième fois de ma vie... Une deuxième session en studio à New York était prévue, mais, blessé et déprimé, je l’ai annulée et suis reparti à Berlin. Environ une semaine après mon arrivée, j'ai eu ce que l’on pourrait appeler une épiphanie lors d’une pause cigarette à Prenzlauerberg. J’ai décidé de rester pour de bon.
Rapidement, j’ai eu la chance d’avoir mon propre espace d’enregistrement à Berlin et me suis laissé emporter par le mouvement. J’ai encore écrit durant six mois, sur un Korg Trident que j’avais loué et d’autre synthés appartenant aux Kaiku studios de la Stralauer Allee. À l’été 2017, j’étais convaincu d’avoir assez de chansons pour reprendre l’enregistrement. Au vu du spectacle désastreux offert par la politique et les médias américains, ainsi que les prix prohibitifs de New York, j’ai jugé préférable que Gabe et les autres me rejoignent en Europe. Pendant sa lune de miel en Italie, Paul avait eu vent d'un grand studio niché dans la région rurale des Pouilles. C’était à la fois isolé et bien équipé, donc nous n’avons pas hésité. Avec Paul, Gabe et Nick, nous nous y sommes retrouvés en octobre 2017. Le directeur de SudeStuio, Stefano Manca, est venu nous chercher à la gare de Lecce et nous a emmené dans son complexe en pleine campagne. Ben et Kyle ne pouvaient être là en raison de leur agenda de tournées respectif, alors je suis décidé à jouer seul des cuivres, comme il y a très longtemps, et voir ce que ça pouvait donner.
Le mois suivant, nous avons passé entre 12 à 16 heures par jour en studio, avec des excursions d’une journée sur la côte et un régime équilibré composé de pizzas, de pâtes et de piments que nous achetions au chili-man de Lecce. Une nuit, nous sommes tombés par hasard sur une ville insulaire médiévale, Gallipoli. Nous avons suivi une procession où une fanfare, menée par des prêtres portant une statue du saint local, remontait les rues étroites et sinueuses de la ville... Ce soir-là, nous sommes rentrés tard à Sudestudio. Le lendemain, j’ai écrit d’une traite le morceau que j’ai fini par baptiser « Gallipoli ». Après dix heures de transe créative, vers minuit, j’ai appelé Nick et Paul pour rajouter basse et percussions. J’étais assez heureux du résultat, qui me semblait être un mélange cathartique de mon passé et de mon présent artistiques, me renvoyant à la joie à ressentir, jadis, la musique comme une expérience viscérale. À ce moment-là, j’ai compris que c’était le fil conducteur de l’album. Nous avons passé le reste du mois en studio en Italie, et avons terminé le disque en novembre.
Je suis retourné à Berlin, où j’ai complété les voix dès que j’en avais l’occasion. Gabe m’a ensuite rejoint pour le mix final au Vox Ton Studios, dirigés par Francesco Donadello, un bon ami de Stefano qui, en plus de son grand amour pour le matériel analogique, est aussi plutôt drôle. Le mastering s’est d’ailleurs fait avec lui à Calyx, non loin de mon appartement à Berlin. »
Zachary Condon
Berlin, Août 2018

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